Flight Safety remet en question les méthodes de formation des pilotes de ligne

L’organisme indépendant Flight Safety Foundation vient de publier un avis exprimant la nécessité de former les pilotes en utilisant une méthode basée sur les compétences et non plus sur le nombre d’heures. Face aux besoins en pilotes, la fondation s’inquiète d’un système où sont privilégiées les heures de vol au détriment des compétences, dans l’aviation commerciale mais également dans l’aviation générale.

La formation des pilotes de ligne est arrivée à un tournant majeur. C’est ce que la fondation Flight Safety (FSF) met en avant dans un document publié début mars 2018, alors que la demande en pilotes croît de manière exponentielle sur toute la planète.

« 1.500-hour rule »

Aux Etats-Unis, sous la demande du Congrès, la FAA a relevé en 2013 le nombre d’heures nécessaires pour accéder au cockpit d’un avion de ligne en qualité de co-pilote à 1.500 heures. Le fait d’avoir mis l’accent sur le nombre d’heures plutôt que sur les compétences fait qu’aujourd’hui, le pays manque de co-pilotes.

Si son point de vue vise clairement cette « 1.500-hour rule, » que la FAA cherche à amender, la FSF alerte également les autorités de l’aviation civiles dans les autres pays à revoir leurs pratiques en termes de formation en cherchant à faire de la qualité et non de la quantité.

Formation basée sur les compétences

Flight Safety Foundation invite à ne pas se contenter de supposer que les compétences essentielles à la conduite d’un aéronef ne s’obtiennent qu’en passant un certain nombre d’heures en vol, comme le suppose la loi U.S. sur les 1.500 heures requises.

La fondation incite plutôt à généraliser les méthodes de formation basées sur les compétences (Competency-Based Training, CBT) ou sur l’Evidence-Based Training (EBT).

FSF reconnaît toutefois que le bilan de la sécurité aérienne en 2017 est très positif et encourageant, que cette année a été la plus sûre de l’histoire de l’aviation commerciale. Cependant, avec les accidents récents en Russie, en Iran et récemment au Népal, la fondation appelle à la vigilance.

Flight Safety Foundation attribue les résultats exceptionnels de l’aviation commerciale en 2017 à une grande variété de facteurs et aux efforts de milliers de professionnels de l’aviation. Elle précise en outre que ce n’est pas le résultat d’un seul facteur, y compris un changement particulier dans les exigences en termes d’heures de vol en qualité de pilote qui ont apporté ces résultats.

Remise en question du nombre d’heures

FSF poursuit son développement en précisant que l’expérience du pilote, qui constitue également un important facteur de sécurité, a toujours été associée au nombre d’heures de vol accumulées au cours de la carrière d’un pilote. Ce qui est souvent négligé, cependant, est la qualité du temps de vol et comment ce temps passé en vol a été accumulé.

Était-ce dans un avion monomoteur ou multimoteur ? Dans des conditions de vol à vue ou aux instruments? Dans un environnement structuré, professionnel, ou dans le cadre de l’aviation de loisir?

Ainsi, selon la FSF, le type d’expérience et l’environnement de vol doivent être pris en compte pour donner un sens au nombre d’heures de vol : l’expérience, les comportements et les pratiques de pilotes totalisant un nombre d’heures de vol similaire peuvent ainsi varier de manière considérable d’après Flight Safety.

Qualité des heures plutôt que quantité

La Fondation affirme que le secteur de l’aviation commerciale est arrivée à un carrefour en déterminant comment les pilotes doivent être sélectionnés, embauchés, formés et encadrés. FSF insiste sur le fait que, dans un contexte mondial où les déplacements de personnes vont croître de manière importante dans les vingt années à venir, pour continuer de croître tout en maintenant un niveau de sécurité accru, il va falloir former des pilotes sur de bonnes bases. Autrement dit, FSF s’inquiète du volume de pilotes formés au détriment de la qualité.

La fondation liste plusieurs recommandations.

– Mettre en place un processus amélioré de sélection et de formation basé sur les compétences non techniques de base, généralement obtenues par l’expérience, telles que la communication, l’analyse, la résolution de problèmes, le leadership et la prise de décision;

– Développer un regain d’intérêt pour la compétence et sur le processus qualité des ATO (Aproved Training Organisation, organisme de formation approuvé) afin de s’assurer que les programmes de formation sont élaborés et mis à disposition de façon à respecter les normes de sécurité et qu’ils puissent former des pilotes qualifiés et compétents;

– Elaborer des programmes de formation fondés sur la compétence et non plus uniquement sur les heures;

– S’assurer que les programmes de formation disposent de données continuellement mises à jour, basés sur la performance du pilote;

– Développer des programmes ab initio avec parrainage / soutien par l’opérateur;

– Laisser une place plus importante dans les programmes au partage d’expérience et de connaissances de l’instructeur.

Une prise en compte accrue des compétences

La fondation prend également en exemple les ATO qui ont pris le principe de standardiser les instructeurs : tous possèdent le même niveau et sont interchangeables dans la formation des élèves pilotes. Elle insiste enfin sur la nécessaire remise en question des habitudes de formation au sein des écoles et conseille un apprentissage basé sur la gestion des erreurs et des menaces (Threat and error management, TEM).

En Europe, l’EASA insiste elle aussi sur la nécessaire prise en compte des compétences et invite à mettre en place le CBT (Comptence-Based Training) à tous les niveaux de formation, pas uniquement pour la formation des pilotes commerciaux.

Enfin, l’Association nationale des pilotes instructeurs (ANPI), dans ses formations destinées à proroger leur licence, insiste sur l’adoption nécessaire en aéro-club d’une formation basée sur les compétences. (aerobuzz.fr, photo : ATR)