Dix syndicats de la compagnie aérienne Air France, déjà à l’origine de la grève le mois dernier qui avait entrainé l’annulation de 25% des vols prévus, ont choisi pour poursuivre leur mouvement la date du vendredi 23 mars, au lendemain de la grève nationale de la fonction publique à laquelle participeront les contrôleurs aériens.
L’intersyndicale regroupant trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF et Alter), deux d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC), et cinq de personnel au sol (CGT, FO, SUD, CFTC et SNGAF), représentant 52,6% des voix du personnel, demande toujours une augmentation de salaire de 6% (voire 10% pour les pilotes), ou de 200 euros par mois pour prendre en compte l’inflation des sept dernières années. La poursuite du mouvement a été décidée faute de « contacts avec a direction qui reste dogmatiquement sur ses positions », selon le président du SNPL Philippe Evain interrogé par Le Monde. Il dénonce une situation « délétère » dans tous les services, y compris chez les mécaniciens au sol qui mènent des grèves intermittentes depuis quatre mois – avec pour conséquence un entretien des avions qui devient « catastrophique ». Et ce alors que de nouvelles embauches ont été faites pour parer à la croissance du trafic, à des salaires revus à la hausse faisant que les nouveaux arrivants « se retrouvent mieux rémunérés que des mécaniciens avec dix années d’ancienneté. Inadmissible pour les salariés en place », assure M. Evain.
Une nouvelle réunion de l’intersyndicale est déjà prévue le 15 mars pour décider d’un durcissement du conflit, le résultat de la consultation des pilotes par le SNPL devant alors être connue. Ces derniers sont appelés à se prononcer sur le principe de lancer « au besoin, un ou plusieurs arrêts de travail » qui pourraient dépasser six jours – une menace identique à celle du printemps 2016, et finalement abandonnée au profit de multiples arrêts de travail.
La direction d’Air France a « déploré » ce nouvel appel à la grève qui selon son communiqué « pénalisera ses clients et ne fera que dégrader la situation de la compagnie et de ses salariés ». Une rencontre avec l’intersyndicale va être organisée « dans les meilleurs délais », afin « d’essayer ensemble d’éviter ce nouveau conflit ». L’augmentation de 6% réclamée par l’intersyndicale est « déraisonnable et irréaliste », expliquait lors de la grève du 22 février le DG d’Air France Franck Terner, estimant son coût à 240 millions d’euros – soit 40% du bénéfice opérationnel. Les résultats se sont améliorés mais « restent significativement en-dessous de ceux de nos compétiteurs », rappelait-il, « deux fois inférieurs à ceux de Lufthansa et trois fois inférieurs à ceux de British Airways ». Un équilibre « réaliste » doit être trouvé entre les investissements nécessaires et « une juste rétribution des efforts », insistait le dirigeant qui se disait « pleinement conscient » des efforts faits par les employés d’Air France.
L’accord salarial annoncé par Air France, faute de consensus dans les négociations, et appliqué pour 2018 porte sur une augmentation pour tous de 0,6% en avril puis 0,4% en octobre, plus une enveloppe de 1,4% permettant pour les employés au sol une série de primes et promotions. Mais cet accord n’a été signé que par la CFDT et la CFE-CGC, représentant 31,3% des voix. L’intéressement reversé aux 44.200 employés après les bons résultats de 2017 (588 millions d’euros de bénéfice opérationnel pour Air France) représentera en outre quelque 140 millions d’euros.
Rappelons que le climat social à Air France risque aussi de remonter la semaine prochaine, lors du procès en appel suite aux incidents de la « chemise arrachée ». Le Tribunal de Bobigny avait condamné le 30 novembre 2016 trois ex-salariés, tous militants de la CGT, à 3 et 4 mois de prison avec sursis pour avoir agressé, lors d’une manifestation pendant le comité central d’entreprise d’Air France en octobre 2015, le DRH de compagnie nationale française Xavier Brosetta et le responsable du long-courrier Pierre Plissonnier. Deux prévenus poursuivis pour violences avaient été relaxés (le Parquet a fait appel pour un des deux), et les dix autres s’étaient vu infliger une amende de 500 euros pour dégradations. (Air Journal)