Paris a abrité du 6 au 8 février 2018, un séminaire sur l’encadrement réglementaire des drones civils, séminaire auquel a pris part une délégation de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile (ANAC), conduite par M. Marcellus Boniface BONGHO, Directeur Général Adjoint et Mme Elodie DE SOUZA DUPEL, Chef du service règlementation du transport aérien à la Direction du Transport Aérien. L’usage des drones civils connaît un essor remarquable qui ne va sans conséquence. De même, des schémas réglementaires nécessaires pour un meilleur encadrement des activités de cette filière ainsi que des actions à mener par les différentes autorités compétentes nationales, sont des initiatives à mettre en œuvre.
Les récentes avancées technologiques laissent transparaître l’usage de plus en plus fréquent des drones civils, pour des besoins tant professionnels qu’amateurs. Les drones sont en réalité, des aéronefs sans personne à bord dont le pilotage est téléguidé ou automatique. Après avoir servi les amateurs de modélisme qui exerçaient à titre personnel dans le cadre du loisir, les drones ont évolué vers un usage professionnel croissant, notamment :
- l’aéromodélisme, c’est-à-dire l’utilisation d’un aéronef sans personne à bord, pour le loisir ou la compétition ;
- les expérimentations, c’est-à-dire l’utilisation d’un aéronef sans personne à bord, pour le développement ou la mise au point d’un prototype ou d’une technologie, ou même pour l’inspection/surveillance/monitoring de réseaux d’infrastructures routier ou ferroviaire, le sauvetage en mer, la livraison des colis, etc., et les activités particulières, notamment celles liées à des fins commerciales ou non, au travail aérien telles que la photographie, la topographie, la cartographie etc.
Au cours des échanges, il a été, entre autres, relevé que l’usage des drones civils soulève quelques problématiques. En effet, contrairement aux pilotes d’aéronefs habités, les télé-pilotes, n’ont en général pas de formation technique adaptée ni même la connaissance de la réglementation relative à la navigation aérienne. De même, les zones d’évolution habituelles des drones sont situées entre 0 et 150m d’altitude et cette hauteur est justement la zone d’évolution par excellence de diverses autres catégories d’usagers plus classiques, tels que les planeurs, les ULM, les ballons libres, etc. Il convient de noter également que la réglementation française en vigueur, notamment celle liée à l’utilisation des drones de 25kg, ne fait aucune exigence d’une autorisation administrative, combien même, ce sont les drones les plus usités par les amateurs.
Contrairement aux professionnels, les amateurs ne sont pas sensibilisés aux impératifs de sécurité de la navigation aérienne et au respect des zones interdites de survol.
Avec plus de 5 000 opérateurs et près de 10 000 drones en circulation mis au point par différents constructeurs nationaux et internationaux, la France a défini entre 2012 et 2015, d’une part, les conditions d’utilisation de l’espace aérien par les drones, et d’autre part, les conditions de conception, d’emploi et les capacités requises des télé-pilotes.
Au regard de l’utilisation grandissante des drones civils à des fins tant professionnelles qu’amateurs, des nouvelles problématiques sont apparues, notamment, la protection de la vie privée, la sécurité de la navigation aérienne et la sûreté de l’aviation. A cet effet, l’administration de l’aviation civile française a procédé en 2016, au renforcement des textes en la matière, avec de nouvelles exigences réglementaires.
Les schémas réglementaires nécessaires
S’appuyant sur l’expérience française en matière de réglementation des drones civils dans ses évolutions récentes, les experts ont identifié les schémas réglementaires nécessaires à l’encadrement optimal de l’usage professionnel des drones civils, et dans une moindre mesure, de leur usage dans le cadre du loisir ou de l’aéromodélisme. Il s’agit d’établir une réglementation mesurée, garantissant la sécurité aérienne, sans trop de contraintes susceptibles de freiner les contributions innovantes apportées par l’usage des drones dans le développement économique et social. Les schémas réglementaires font quelques exigences aussi bien à l’endroit des professionnels que des amateurs.
Désormais, les professionnels sont particulièrement astreints à une déclaration obligatoire des drones ; à la formation des télé-pilotes ; à l’enregistrement ou immatriculation des drones, à l’obligation de signalement électronique ou numérique des drones en circulation etc.
Pour les amateurs, il faut réglementer non pour sanctionner, mais pour éduquer, sensibiliser et dissuader. Dans le même allant, et concernant l’usage ludique des drones dans l’espace aérien commun à tous les types d’aéronefs, il faut envisager des règles simples, faciles à comprendre pour le grand public avec des guides à publier et des outils didacticiels à large diffusion. Il appert la nécessité de rappeler que toutes ces exigences devant être appariées d’un régime de sanctions spécifique.
Actions des autorités compétentes nationales
Qu’il s’agisse de la délivrance d’autorisations particulières ou de l’octroi de dérogations aux exigences règlementaires standards, il est utile d’établir des procédures de coordination entre les différentes autorités nationales responsables ou gestionnaires de zones. Une telle organisation permet de faire l’examen des dossiers techniques fournis par un exploitant, en appui de sa demande d’autorisation d’exploitation d’un drone pour un usage professionnel, concernant par exemple la prise de vues de zones réglementées ou interdites de survol.
Au plan de la sécurité de la navigation aérienne, la conclusion de protocoles d’accords devra permettre d’assurer la coordination entre gestionnaires de services publics, gestionnaires de zones interdites et gestionnaires d’aérodromes, notamment pour des cas d’urgence. Tenant compte des besoins de chaque autorité étatique, ces protocoles devront déterminer, l’autorité technique pouvant délivrer l’autorisation ; les dérogations à envisager ; les mesures de réduction des risques à mettre en place pour garantir la sécurité des personnes au sol et d’autres aéronefs, non sans garantir le bon déroulement des opérations d’exploitation.
Au plan de la sûreté de l’aviation, les experts ont relevé que les drones peuvent être utilisés à des fins illicites. Dès lors, la sûreté doit requérir une politique interministérielle en vue de caractériser la menace, déterminer la réponse réglementaire à y apporter et la chaîne de contrôle et de commandement lors des opérations de riposte.
Au terme des conclusions de ce séminaire et après identification des caractéristiques générales de la filière et de l’activité en République du Congo, le régime d’autorisations spécifiques qui est le moyen actuel d’encadrement de l’usage des drones civils, par les autorités administratives nationales de l’aviation civile et des forces de sécurité, demeure insuffisant.
A ce titre, une règlementation plus structurée devrait désormais être envisagée pour mieux maîtriser les éventuelles applications ponctuelles du secteur et les évolutions à venir.
Ce travail à réaliser par l’administration de l’aviation civile, va consister à faire aboutir des projets de règlements, en organisant et en pilotant des groupes de travail interministériels pour la définition des règles relatives à l’utilisation de l’espace aérien, à la navigation aérienne, à l’exploitation et aux compétences des télé-pilotes. De même, l’administration devra déterminer des méthodes de lutte contre les usages indésirables en vue de la détection, l’identification et l’interception des drones dits « malveillants ».
Toutes ces mesures visent à prendre en compte des enjeux relatifs à la surveillance de l’activité et la participation des professionnels (constructeurs, exploitants, gestionnaires d’aéroports…) dans l’accompagnement et l’information du public sur les règles applicables, en vue de favoriser l’intégration de l’usage des drones civils dans tous les secteurs d’activités dans lesquels ils peuvent apporter l’innovation et assurer un essor. (Marcellus Boniface Bongho)