La compagnie aérienne Swiftair a été mise en examen jeudi en France pour « homicides involontaires », après l’accident d’un de ses avions lors d’un vol opéré pour le compte d’Air Algérie entre Ouagadougou et Alger en 2014, qui avait entrainé la mort des 116 personnes à bord.
La compagnie espagnole a appris le 29 juin 2017 sa mise en examen pour « homicides involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité », les juges évoquant des défauts de formation des pilotes. Cette mise en examen est une première depuis le crash du vol AH5017 le 24 juillet 2014, qui avait coûté la vie à 110 passagers et six membres d’équipage lors d’un vol entre Ouagadougou et l’aéroport d’Alger opéré par Swiftair en McDonnell-Douglas MD83. Une expertise judiciaire publiée en décembre dernier avait repris l’essentiel du rapport final du BEA sur l’accident : les pilotes n’avaient pas déclenché le système anti-givrage à l’approche d’une zone orageuse, puis ne s’étaient pas aperçu du décrochage de l’avion, et n’avaient pas effectué les manœuvres appropriées à la situation alors que le MD83 partait en spirale – avant de s’écraser à une vitesse de 711 km/h dans le désert. Les enquêteurs n’ont pas pu comprendre ce qui a pu se passer dans la tête des pilotes et analyser plus en avant leurs comportements en l’absence de données issues de l’enregistreur des voix du cockpit CVR (dont les données étaient inutilisables, contrairement à celles de l’enregistreur de données de vol FDR).
Les experts ont aussi mis en avant l’entrainement au sol « insuffisant et incomplet » des deux pilotes, qui ne volaient que quelques mois par an avec de longues périodes d’interruption. Ils n’avaient en particulier pas reçu d’entraînement aux situations de décrochage depuis leur entrée chez Swiftair, en juillet 2012 pour le commandant de bord et en juin 2013 pour la copilote. Ce qui expliquerait par exemple leur manque de réaction face au manche qui se met à vibrer et aux alarmes retentissant dans le cockpit pour les avertir d’une anomalie (selon le BEA, le pilote automatique avait été désactivé 22 secondes après le déclenchement de l’alarme de décrochage), et les réflexes inappropriés pour tenter de sortir de la situation de décrochage (en positionnant le manche pour cabrer l’avion et maintenir son altitude, au lieu de lui faire faire un piqué).
Les avocats de Swiftair se sont étonnés jeudi de cette mise en examen française, rappelant que les experts espagnols comme le BEA « n’ont pas retenu la responsabilité de la compagnie ». Parmi les 116 victimes figuraient 54 Français, 23 Burkinabés, ainsi que des Libanais, des Algériens et six membres d’équipage tous espagnols. Sandrine Tricot, épouse d’un des passagers et présidente de l’association AH5017-Ensemble (qui rassemble les proches et parents des victimes), a déclaré hier dans La Nouvelle République : « C’est une très grande satisfaction que cette mise en examen, mais ce n’est qu’un premier pas. Toutes les familles qui se sont portées partie civile craignaient un non-lieu. On a vite réalisé que ce serait long et même très long. On sait qu’on ne saura jamais toute la vérité puisqu’une des deux boîtes noires reste inexploitable (…), mais peu à peu, le voile se lève… ». (Air Journal, © photo : algerie1.com)